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La Lettre D, comme décoder. Chaque dimanche, le décryptage d'un sujet politique ou économique

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Par Alain Dumait
13 oct. · 3 mn à lire
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L'affaire du Doliprane : nouvel exemple du mauvais modèle économique français

Avec des fonds de pension, où serait gérée à long terme une partie des cotisations sociales de retraite, l'argent épargné servirait à racheter les entreprises françaises rentables qui, les unes après les autres, tombent dans l'escarcelle des portefeuilles des sociétés financières américaines.

D’abord, l’édito de la semaine : l'affaire du Doliprane

Rappel des faits.

SANOFI a annoncé, vendredi 11 octobre, négocier avec le fonds d'investissement américain CD&R pour lui céder le contrôle de sa filiale de produits en vente libre, Opella. Cette dernière chapeaute une centaine de marques, dont le populaire Doliprane, mais aussi le Mucosolvan, le Maalox ou le Novanuit... Un changement de pavillon pour le médicament le plus vendu en France, qui a déclenché une vague d’inquiétudes.

Discussion

Actuellement, le Doliprane est fabriqué dans les usines de Lisieux (Calvados) et de Compiègne (Oise).
Mais son principe actif, le paracétamol est acheté à l'étranger, notamment en Asie. Une usine de fabrication de ce principe actif est en cours de construction à Roussillon (Isère).
"Toutes les 'big pharma' se désengagent de leurs activités générique et grand public", explique Nathalie Coutinet, économiste spécialiste du secteur de la santé, interrogée par FranceInfo, qui cite notamment Novartis, ou la tentative avortée du groupe Servier de vendre sa filiale Biogaran"Il y a un recentrage assez généralisé des entreprises pharmaceutiques sur leurs activités d'innovation", complète l'économiste. Une stratégie affichée par Sanofi, depuis plusieurs années.

La raison ? "La rentabilité de Doliprane est un peu 'pépère', alors que si vous sortez un nouveau médicament, la rentabilité est exponentielle", note Nathalie Coutinet. Un argument de poids pour des entreprises "très financiarisées" et dont les actionnaires principaux sont des fonds de pension, explique l'économiste. "Derrière ces choix, il y a une pression à la rentabilité. »

Du coté des politiques, à la fois le Nouveau Front populaire, mais aussi Ensemble pour la République et la Droite républicaine, au nom de la souveraineté sanitaire de la France, ont demandé au gouvernement d’empêcher cette opération.
Le nouveau ministre en charge de l'Industrie, Marc Ferracci, pour sa part, "prend acte de cette décision". Dans un communiqué transmis à l'AFP, il "rappelle aux deux parties les points de vigilance du gouvernement, tant sur le plan économique que sanitaire".
C’est donc quasiment fait. D’ailleurs, sur quel argument économique s’opposer à une telle décision ? Sauf à considérer que le pouvoir politique peut s’arroger tous les droits…

Notre commentaire.

  • En apparence, La gauche et la fausse droite (encore une fois réunies…) ont raison de dénoncer l’absurdité d’une situation où les pouvoirs publics subventionnent une nouvelle usine de fabrication en France du principe actif du Doliprane, et laissent filer sous gouvernance étrangère des usines qui fabriquent le médicament, dont nous avons été en rupture de stock du temps du Covid…

  • Regardons d’abord qui achète.
    Le fonds d'investissement américain CD&R est un Fonds bien connu des spécialistes du « private equity » (= « capital investissement »). L’un des plus anciens (1978), et le 11eme du monde en terme de valorisation (environ 150 milliards de dollars).
    Ses principaux partenaires sont des fonds de pensions américains, qui placent au mieux l’argent capitalisé par les retraités pour valoriser au mieux leurs rentes, après la cessation de leurs activités.
    Le rendement moyen de ces fonds, pour les partenaires, est compris entre 15 et 20% par an, à la condition d’accepter le blocage des sommes investies pendant au moins cinq ans, souvent dix.

  • Demandons nous ensuite pourquoi l’acheteur n’est pas Français ?
    La réponse tient toute entière dans notre si chère retraite par répartition. Nos gouvernements successifs, accrochés au système de financement des retraites, si avantageux quand sept actifs cotisaient pour un retraité, et si catastrophique quand moins de deux actifs cotisent (ce qui est le cas depuis 2005) a, jusqu’à ce jour, refusé d’introduire une part de capitalisation dans le système (sauf pour quelques privilégiés : les élus, les fonctionnaires, et travailleurs non-salariés, cf Lois dite « Madelin »).
    A ce jour, les fonds de pensions américains disposent de 5.000 milliards de dollars de réserves. Ce ne serait que 21 milliards d’euros pour l’ensemble du private Equity en France, lequel n’est que très partiellement alimenté par des fonds de pension…

  • Conclusion
    Le financement de la retraite par la capitalisation, c’est à dire par le rendement long terme des cotisations des salariés gérées par des fonds de pension, n’est pas seulement très favorable aux bénéficiaires (voir ci-dessous), il est aussi très bénéfique pour l’économie générale.
    Avec des fonds de pension, plutôt que notre régime de sécu (que personne ne nous envie), les usines fabriquant le Doliprane n’auraient certainement pas été vendues au fonds d'investissement américain CD&R.
    CQFD.
    Alain Dumait

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