La lettre D,

La Lettre D, comme décoder. Chaque dimanche, le décryptage d'un sujet politique ou économique

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Par Alain Dumait
14 avr. · 2 mn à lire
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Redresser les finances publiques : une difficulté française

Pour retrouver un budget de l'Etat exécuté en équilibre, il faut remonter à 1973. Et pour un plan de redressement efficace, à 1958..

Jusqu’en 1983, “redressement”, ou “rigueur budgétaire”, signifiait principalement “dévaluation” de la monnaie : 17 entre 1928, y compris la dernière, assumée par François Mitterrand. Le moyen le plus commode pour restaurer la compétitivité de notre économie, grignotée chaque année par l’inflation et l’augmentation des salaires au-delà de la productivité.
Nos exportations, à chaque fois reprenaient un peu de couleur, mais les épargnants voyaient fondre leur patrimoine. Il est vrai qu’à cette époque les épargnants les plus avisés, par millions, avaient mis leur bas de laine sur un compte numéroté en Suisse…

Quand le général de Gaulle revient aux affaires, en juin 1958, dernier Président du Conseil de la IVème République, il réalise en quelques mois un plan de redressement, inspiré par Jacques Rueff et exécuté par Antoine Pinay, qui, à ce jour, constitue encore un modèle du genre. Par la rapidité de son élaboration, moins de trois mois ; par sa radicalité : on est passé, par des coupes sombres, d’un budget déficitaire en 1958, à un projet de Loi de finance excédentaire dès 1959 !
Les réformes de structure étaient nombreuses : interdiction de toute indexation (des prix, des salaires, des pensions…), suppression de toute avance de la Banque de France au Trésor public…

En quelques mois, et malgré ( ou à cause de…) sa rigueur, les résultats du Plan de redressement étaient incontestables… Il est vrai qu’il avait fallu, une fois de plus, dévaluer le franc, au moment de son passage au Nouveau franc…Très vite, nous commencions à rembourser nos dettes extérieures…

Cette politique budgétaire orthodoxe fut maintenue jusqu’en 1973, quand le Président Pompidou, gravement malade, dit à son ministre des finances Valery Giscard d’Estaing “n’inquiétez pas les Français”...

Depuis cette date, aucun budget de l’Etat n’a été présenté et exécuté en équilibre ! C’est sur ce point le funeste héritage de cette période de la fin du mandat de Georges Pompidou : ne jamais inquiéter les Français, leur donner à croire que L’Etat protecteur peut les protéger de tout choc extérieur, comme on l’a encore vue récemment avec le “quoi-qu’il-en-coûte” de la période Covid… L’Etat-providence est toujours, en France, cette illusion qui nous fait croire que “les autres” peuvent payer pour chacun…

Or, endettement et souveraineté sont antinomiques. Pas de politique étrangère autonome, autre que verbale, sans solidité monétaire (assurée avec l’euro depuis 1999), et solidité budgétaire, dévoyée depuis cinquante ans !

Même au plan intérieur, le déficit budgétaire affaiblit chaque année un peu plus notre économie.
- Le service de la dette est devenu le deuxième poste de dépenses publiques, après le mammouth de l’Education nationale…

- L’épargne française, qui finance de l’ordre de la moitié de cette dette, est détournée à due concurrence de placements et d'investissements plus productifs et porteurs d’avenir.

- Le niveau excessif des prélèvements obligatoires qu’il entraîne, fait fuir à ‘étranger nos meilleurs éléments, jeunes diplômés et start-up prometteuses…

- C’est un boulet qui pèse non seulement sur les acteurs économiques, mais aussi sur la croissance, et finalement sur la compétitivité. D’où le déficit grandissant de notre balance commerciale…

Pas de candidat en vue pour le redressement financier de la France…

La contrepartie de cette situation pourrait être la paix sociale, achetée à coup de subventions, à tout le monde (entreprises, associations, particuliers…).., mais c’est exactement le contraire qu’on a sous les yeux. Comme si l’Etat-providence n’en faisait jamais assez ! Comme si, comme disent les communistes, et leurs compagnons de route, anciens ou néo, “de l’argent, il y en a, il faut juste savoir le prendre”... Les moutons ne sont jamais assez tondus…
Toute occasion est bonne pour pousser les revendications salariales dans le secteur public : pour avoir une chance de mener à bien son projet grandiose de Jeux Olympiques à Paris, le gouvernement doit, encore une fois, passer sous les fourches caudines des syndicats coalisés… 

Emmanuel Macron a dit:

  • “nous n’avons pas de problème de dépenses, mais de recettes” (sic)

Il ne faut donc pas compter sur lui pour redresser vraiment nos comptes publics avant 2027.
Rien n’indique que ce sera l’un des enjeux majeurs des prochaines élections présidentielles…

Le redressement majeur de 1958 avait été rendu possible par la trouille de la classe politique d’un coup d'État militaire en mai 1958, ce qui avait provoqué le recours au général de Gaulle.
Soit une secousse du même ordre survient, dans les années à venir,
soit le FMI s’occupera de nous, comme il s’est occupé de la Grèce - et bien, d’ailleurs - en 2010 !

Alain Dumait

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