La réduction nécessaire de l'endettement pousse l'économie mondiale vers un salutaire ralentissement

L'excès de dettes est le fait de tous les agents économiques : les ménages, les entreprises, et tout spécialement les Etats. Après avoir stimulé la croissance, maintenant il la freine . A cet égard, les trois prochaines années seront celles de tous les dangers.

La lettre D
4 min ⋅ 27/04/2025

Nous sommes le dimanche 27 avril 2025. C’est notre 94e parution, la 15e de l’année en cours.
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  • « Les arbres ne montent pas jusqu’au ciel ».
    C’est le dicton boursier le plus connu.
    De même, la capacité d’endettement des agents économiques - les ménages, les entreprises et surtout les États - a des limites. Et nous y sommes, sans doute.

Depuis 1990, le taux d’endettement des ménages, dans les pays industrialisés, a plus que doublé, représentant même jusqu’à plus de 100% du PIB (Produit intérieur brut) dans plusieurs pays de l’OCDE.
Comme ce sont les ménages qui détiennent l’essentiel du patrimoine financier mondial - deux fois et demi le PIB mondial - cet endettement-là est le moins inquiétant.

Selon un rapport récent de l’OCDE, le total de la dette obligataire des entreprises et des États - laquelle est dite dette souveraine - vient de dépasser les 100.000 milliards de dollars. L’augmentation annuelle de son encours a triplé depuis 2007… et 40% de ce dernier vient à échéance avant la fin de 2027…
On comprend que certains économistes, observateurs de ces questions, commencent à tirer la sonnette d’alarme, en particulier aux Etats-Unis, où la dette souveraine dépasse désormais 36.220 milliards de dollars, soit 125% du PIB. Avec un coût annuel pour ses finances publiques supérieur à son budget de la défense. Elon Musk vient d’ailleurs d’exprimer publiquement cette inquiétude.
Or, le crédit des Etats-Unis est devenu fragile. Donald Trump vient de sentir le vent du boulet (cf notre dernier épitre). Il dit vouloir réduire largement la dette publique de son pays…

Nos gouvernements ont abusé de leur pouvoir d’endetter nos États, grâce à leur pouvoir de prélever toujours davantage d’impôts. Quand ce pouvoir touche à sa fin, les États sont contraints de devenir raisonnables.
Longtemps, ce fut essentiellement pour financer les guerres.
Puis pour « relancer » l’économie, comme théorisé par l’économiste John Maynard Keynes en 1936, dans son ouvrage majeur « Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie ».

Depuis lors, la « relance par la consommation », c’est-à-dire par la dette, est devenue la panacée de toutes les politiques économiques publiques. Même la Chine vient de s’y mettre !

Quelques illustrations :
- 1973. Première crise pétrolière. Georges Pompidou, président de la République, déjà très amoindri par la maladie, qui allait l’emporter l’année suivante, dit à son ministre de l’Economie Valéry Giscard d’Estaing : « il ne faut pas inquiéter les Français ». Du coup, le budget de l’Etat pour 1974 est présenté en déficit, pour la première fois depuis quinze ans. Depuis lors, tous les budgets de l’Etat ont été présentés en déficit. La dette publique de la France vient de dépasser les 3.300 milliards d’euros…
- 15 septembre 2008, la banque américaine Lehman Brothers fait faillite, déclenchant une panique inédite depuis 1929. C’est la crise dite des subprimes. Pour y faire face, et sauver les banques, les Etats ouvrent grand le robinet de la dette et de la consommation…
- 16 novembre 2019 à Wuhan, dans la province du Hubei (en Chine centrale), apparition du virus du Covid19, avant de se propager dans le monde entier. Plus de 160.000 morts en France. 800 millions de personnes infectées dans le monde. Sept millions de morts. Pour maintenir le pouvoir d’achat, nouvelle ouverture des vannes du crédit aux entreprises et des déficits publics…

La géniale théorie de Keynes ne vaut que pour des moments exceptionnels, et à la condition que toute période de laxisme financier soit suivie par un retour à la rigueur de la gestion, en particulier des Etats. Ce qui n’a pas été le cas.

Dans ces conditions, les marchés financiers, sur lesquels ces créances sont émises et s’échangent, sont devenus les arbitres de l’économie mondiale. Avec leurs agences de notation, ils notent la solvabilité des Etats. Et en cas de grave dérapage - comme celui de Trump, avec ses droits de douane délirants - ils adressent des coups de semonce.
Les responsables de ces États l’ont compris. Tous les matins, ils regardent le taux d’intérêt de leur dette souveraine à dix ans (OAT en France, T-Bond aux États-Unis, Gilt pour le Royaume-Uni ou Bund pour l'Allemagne, etc.). Vendredi dernier 25 avril 2025, il était à 4,32% pour les Etats-Unis, 2,51% pour l’Allemagne, et 3,19% pour la France.
Si un écart se creuse brutalement, comme le 9 avril 2025 pour les Etats-Unis, c’est aussitôt panique à bord.
Tous les gouvernements du monde le savent. Toutes les banques centrales mieux que personne. Mais l’endettement des États est porté par des structures si peu manœuvrables qu’il va falloir plusieurs années pour renverser la vapeur.
En France, il s’agit de stabiliser le niveau de la dette en terme de pourcentage du PIB, à partir de 2028… D’autres Etats, moins monstrueux, essaieront d’aller un peu plus vite. Mais, d’ici là, l’économie mondiale va se trouver sur des charbons ardents.

Telle est l’explication du ralentissement économique mondial qui s’amorce sous nos yeux.
Il est nécessaire, et pas seulement vertueux.
Et il est salutaire : le financement de l’économie par la dette doit être l’exception. Son financement par l’épargne préalable doit redevenir la règle.

Conseils aux épargnants

Dans le contexte que nous venons d’esquisser, il faut s’attendre à de nombreuses et de fréquences secousses, du genre de celles qui viennent de marquer les cent premiers jours de la nouvelle présidence de Donald Trump.

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La lettre D

La lettre D

Par Alain Dumait

Alain Dumait, 81 ans, est journaliste depuis 1970. Il devient éditeur de journaux en 1978 et crée La Lettre A, lance "Les 4 Vérités-Hebdo", puis plusieurs autres publications.

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